Irak : le choix des mots En 2007, Régis Debray essayait déjà d'alerter l'opinion sur la situation des Chrétiens d'Orient : " ils sont, disait-il, l'angle mort de notre vision du monde : ils sont "trop" chrétiens pour les altermondialistes, et "trop" orientaux pour les occidentalistes... Sept ans plus tard, alors qu'ils sont condamnés, comme les Yézidis, en Irak, à fuir ou à mourir, victimes de la barbarie des djihadistes de l'État islamique, le monde a fini par braquer les yeux sur eux. Avant qu'il ne soit trop tard. Le président Obama a annoncé le "risque de génocide" pour intervenir. En France, quelques personnalités ont aussi employé le mot de génocide : certaines le voient déjà à l'œuvre, les autres avertissent de son déclenchement imminent. Génocide. Le terme est effrayant. Summum de l'horreur, il permet d'alerter, de sensibiliser les opinions publiques. Et souvent d'obtenir leur aval pour s'engager militairement. C'est ainsi qu'en 2011 Kadhafi fut accusé - par son ambassadeur à l'Onu - de préparer un "génocide" en Libye. Cela facilita l'entrée en guerre de la coalition. Un génocide encore fut évoqué pour lancer la "guerre humanitaire", "juste et morale" menée en 1999 au Kosovo. Mais de génocide, parmi les nombreux "massacres de masse" du monde, l'Onu n'en reconnaît juridiquement que quatre (la Shoah, le génocide des Arméniens, des Tutsis, des Cambodgiens). Appeler à user du terme avec prudence n'est pas nier une réalité - celle des exactions, des persécutions et sans doute celle des crimes de guerre - et encore moins le besoin de protection des 300 000 personnes jetées sur les routes dans le plus grand dénuement. C'est mettre en garde contre les manipulations, dont le mot génocide pourrait être l'objet et qui finirait par conduire à sa banalisation. Pierre HENRY, Directeur général de France terre d'asile |